À 15 ans, j’ai quitté un pays ayant connu des guerres civiles, des révolutions et des coups d’État militaires pour le Royaume-Uni. Mes nouveaux camarades de classe me demandaient : “Comment c’était de vivre là-bas ?”. Ma réponse a toujours été la même : “C’était normal”.
Bien que nous vivons actuellement une période extraordinaire, nous ne pouvons pas sous-estimer le désir humain de revenir à une situation normale. La preuve de ce désir est partout autour de nous, même en pleine crise. C’est ce besoin de retour à la normale dans un paysage profondément perturbé qui doit guider nos actions.
Préparer ce retour commence par prendre conscience que nous vivons dans un environnement évolutif qu’il est néanmoins possible de décomposer en phases distinctes. Nos amis de Local Planet ont construit un cadre basé sur leurs expériences en Chine au cours des dernières semaines. En tant qu’épicentre de l’épidémie jusqu’à récemment, ce cadre permet de tirer de précieuses leçons de l’expérience chinoise et d’anticiper ce à quoi nous pouvons nous attendre dans les semaines et les mois à venir.
Dans ce cadre, ils décomposent les phases de pré-épidémie, épidémie, confinement et reprise du marché. Nous avons actuellement dépassé le stade de la pré-épidémie et devons-nous concentrer sur les trois prochaines phases.
Pour adapter la communication et l’activité lors des deux premières phases, Bain & Company a produit la pyramide suivante afin de mettre en évidence les éléments que les consommateurs recherchent actuellement :
Dans cette étude, Bain a identifié que les marques doivent se concentrer sur la communication qui réduit les risques, réduit l’anxiété, et renforce le sentiment d’appartenance. À quoi cela correspond-il ? Encore une fois, retournons en Chine avec nos amis de Local Planet et soulignons un exemple :
Dans cet exemple, Uniqlo a utilisé des messages bienveillants, partagé des conseils pour lutter contre le virus et présenté les mesures d’hygiène mises en œuvre proactivement dans leurs magasins.
Puisque que nous sommes déjà dans cette phase en dehors de Chine, il convient de noter que certaines marques ont envoyé proactivement des messages dans ce sens. Au Canada, la marque Mr. Lube a adopté une approche similaire avec du contenu pour leurs magasins :
Loblaws a réservé des plages horaires spécifiques dans ses magasins pour les personnes âgées et/ou à risque élevé afin qu’elles puissent y venir faire leurs courses. La marque a communiqué sur cette organisation :
Une communication mettant l’accent sur les principes énoncés par Bain est essentielle dans cette phase, en particulier les éléments fonctionnels et émotionnels.
Au fur et à mesure que nous entrons dans la phase de confinement, l’accent est mis sur la gestion d’une nouvelle situation qui comprend des confinements et une distanciation sociale. Anticipant un prolongement du confinement, les implications vont au-delà de la simple communication, elles se retrouvent dans l’organisation de l’entreprise dans son ensemble . Les entreprises doivent ainsi considérer l’étendue de leurs services, leurs sources de revenus, ce qu’elles représentent pour leurs clients et comment s’adapter véritablement à cette nouvelle situation.
Si cela vous semble familier, c’est parce que ce sont les principes qui ont motivé la transformation digitale ces dernières années. La différence néanmoins se situe dans le fait que ce changement est contraint par des facteurs entièrement externes, et dans des délais considérablement réduits.
Mon collègue Koen Smeets a identifié les leçons clés des entreprises espagnoles, un pays durement touché par la pandémie. Parmi ces leçons, le besoin de s’adapter aux nouveaux comportements. À quoi cela correspond-il concrètement ? Par exemple, les restaurants peuvent communiquer sur leur service de livraison, qui est actuellement le seul moyen pour ces entreprises de maintenir une activité commerciale dans de nombreux pays. Il convient de noter que le secteur de la restauration était déjà fortement concurrencé par les services de livraisons, cette crise accélère cette tendance.
Autre exemple dans un secteur fortement perturbé : David Lloyd Clubs, un réseau de centres de fitness haut de gamme au Royaume-Uni. Puisqu’ils ne sont actuellement pas en mesure d’accepter des visites, ils se sont adaptés en produisant et en partageant du contenu en ligne de remise en forme à destination de leurs clients confinés :
L’engagement de la marque auprès de ses clients va au-delà des contenus produits et doit prendre en compte la livraison de produits et services. Kumon, un réseau éducatif mondial, qui dépendait auparavant entièrement sur les visites dans ses centres, a maintenant pivoté pour fournir dans certaines régions des formations à domicile via la vidéoconférence.
En Chine, la région de Wuhan a pu rebondir grâce à l’activation des capacités de livraison et de commerce électronique. Dans un article de la revue Harvard Business Review, Changyi Lin, professeur en stratégie à l’INSEAD, a indiqué que la convergence de deux facteurs clés a permis cela : Des systèmes de livraison digitalisés et une maturité digitale des consommateurs. L’omniprésence de plateformes comme Alibaba, appuyée par des réseaux de distribution hautement sophistiqués et digitalisés, a permis la livraison de marchandises à domicile dans les 20 minutes suivant une commande.
La pénétration du commerce électronique en Chine a atteint 36% grâce à cette infrastructure, mais Changyi Lin fait valoir que ces deux éléments ne sont pas aussi avancés dans les pays occidentaux et pourraient créer des obstacles, en termes de réalisation, d’adoption et dans la reprise. Non seulement l’adoption du commerce électronique a un taux inférieur (16% du total des ventes aux États-Unis en 2019), mais l’infrastructure pour le soutenir n’est pas aussi bien développée qu’en Chine.
Le développement de cette infrastructure digitale doit devenir la priorité des entreprises lors des prochaines semaines et prochains mois. Ceci comprend la prestation de services et de biens ainsi que les contenus et les moyens de communication. Ceci nécessite une analyse approfondie des audiences dans un contexte local afin d’adapter les communications apportant de la valeur aux consommateurs en cette période perturbée. Les actions entreprises doivent également aider, au milieu d’une crise, les clients dans leur quête d’un retour à la normale. Elles s’étendent par exemple à l’activation de modules e-commerce pour les marques qui ne l’ont pas déjà fait, soit par l’extension de solutions marketing cloud existantes, soit par l’adoption de plateformes tierces rapidement déployées telles que Shopify.
S’engager vers une digitalisation rapide est important. L’une des principales raisons pour lesquelles la transformation digitale n’est pas mise en œuvre aussi rapidement qu’elle devrait l’être dans de nombreuses organisations est que pour véritablement se transformer, les méthodes traditionnelles doivent souvent être arrêtées, ce qui résulte généralement sur un premier impact négatif en termes de performances. Cette transformation est freinée par des cultures d’entreprises trop souvent focalisées sur les bénéfices à court terme.
Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation où les mesures de performance “traditionnelles” sont obsolètes, de sorte que les freins à un véritable changement disparaissent. Les marques qui saisissent l’opportunité de s’engager de manière significative avec leurs clients, à travers chaque canal digital mis à leur disposition ; grâce aux médias Paid, Owned et Earned ; grâce aux communications digitales locales, seront non seulement bien positionnées lorsque la reprise arrivera, mais comme elles auront saisi cette opportunité pour répondre aux fondamentaux digitaux, elles auront construit un avantage concurrentiel considérable.
Il est nécessaire de reconnaître que la digitalisation rapide nécessite une expertise et d’importantes capacités d’exécution. Pour cette raison, il est essentiel de conserver les équipes internes et les partenaires externes, en les redéployant vers cet objectif. La reprise sera rapide, et le fait de ne pas avoir d’équipes en place pour en profiter ne fera que ralentir la capacité des marques à rebondir et à rattraper le temps perdu.
Lorsque la reprise arrivera – et elle arrivera – le nouveau normal sera différent. Il sera davantage digital. Préparez-vous y maintenant.